Tuesday, March 21, 2017

BANSKY : Ouverture du WALLED OFF HOTEL




BANSKY ouvre un Hôtel avec vue
"WALLED OFF HOTEL"
BETHLEEM


Internet bruissait ces derniers jours de rumeurs d’un nouveau « coup » de Banksy du côté d’Israël. L’artiste de rue britannique a officiellement dévoilé sa dernière création vendredi 3 mars : le Walled Off Hotel (littéralement « coupé par le mur », jeu de mots avec l’hôtel de luxe Waldorf Astoria), une coquette pension trois étoiles avec vue sur le mur de séparation à Bethléem, en Cisjordanie. Ouverture prévue le 11 mars.

Le site de l’artiste s’est pour l’occasion transformé en site d’hôtel aux multiples entrées. On y découvre les quatre types de chambres qui seront disponibles : les « Artist » (remplies d’œuvres d’art), les « Scenic » (avec les meilleures vues sur le mur), les « Budget » (les moins chères, à 30 dollars, en dortoir et équipées par les surplus de baraquements de l’armée israélienne) et une luxueuse suite « présidentielle » (pour six). Leur aménagement a été réalisé par Banksy lui-même et par deux autres artistes, le Palestinien Sami Musa et la Canadienne Dominique Petrin. « Pour les plus exhibitionnistes d’entre vous, sachez que vous êtes à portée de vue d’un mirador de l’armée », précise la présentation, où l’on reconnaît la prose ironique de l’artiste.

 oeuvre de l’artiste Banksy sur un des murs d’une chambre : un soldat israélien et un jeune Palestinien en pleine bataille de polochons.


Un musée sur le mur, deux galeries d’art
Côté espaces communs, le lieu propose un piano-bar colonial, en hommage à la Grande-Bretagne, qui a « mis la main sur la Palestine en 1917 », et où seront notamment servis des scones et du thé. Une atmosphère quelque peu bousculée par les détails : caméras de surveillance en lieu et place des trophées de chasse, peintures à l’huile « vandalisées » (marines où surnagent des bouées de sauvetages vides, scènes pastorales détruites par des bulldozers) et statues asphyxiées par des gaz lacrymogènes. Le club sera ouvert chaque jour de 11 heures à 22 heures, y compris aux non-résidents.
L’hôtel sera également doté d’une galerie dédiée à des expositions d’artistes émergents et d’un espace d’exposition qui proposera aux visiteurs une collection permanente d’œuvres d’artistes palestiniens de ces vingt dernières années, notamment du peintre Sliman Mansour.
Un musée consacré à l’histoire du mur complétera cet éventail culturel, avec « une histoire de la région animée, de la pornographie militaire et des sculptures de plage originales de Gaza », et une salle de cinéma. La structure proposera également un espace de dépôt de témoignages, d’objets et de documents. L’ensemble de ces espaces d’exposition sera ouvert tous les jours de 11 heures à 19 h 30.




 


 
« Est-ce une blague ? »
Une programmation musicale est prévue chaque soir. Sont d’ores et déjà annoncés Trent Reznor and Atticus Ross, Fla et Hans Zimmer. Mais également 3D, le leader de Massive Attack, sur lequel a plané un doute il y a quelques mois, une rumeur avançant qu’il pourrait être Banksy lui-même.
« Est-ce une blague ? », propose la rubrique « Questions » du site. « Pas du tout. Il s’agit d’un véritable hôtel avec de vraies chambres fonctionnelles et des places de parking en nombre limité. Géré par la communauté locale, il accueille chaleureusement les visiteurs venus des deux côtés du conflit et du monde entier. » « Est-ce sûr ? » La réponse est affirmative : l’hôtel est situé dans une zone très fréquentée et touristique, avec restaurants, bars et taxis à proximité, et « à 500 m du check point pour Jérusalem ».
Le site précise encore qu’il n’y a pas besoin de visa pour les touristes étrangers pour venir en Israël : « Contrairement aux locaux, vous aurez la possibilité de voyager où vous voulez. » Mais il prévient : « La sécurité de l’aéroport de Tel-Aviv, cependant, est légendaire. Attendez-vous à ce que l’on vous demande la raison de votre séjour et si vous avez l’intention de vous rendre en Cisjordanie. Si vous répondez oui, vous serez peut-être retenu quelque temps, c’est pourquoi de nombreux visiteurs préfèrent ne pas spécifier cet aspect de leur séjour. »

« Aucun fanatisme ne sera toléré sur place »
L’hôtel devrait rester ouvert au moins jusqu’à la fin de l’année, qui marque le centenaire de la prise de contrôle de la Palestine par les Britanniques (sans la célébrer). Autre question-réponse : « Est-ce antisémite ? » « Absolument pas. L’Hôtel Walled Off est une structure de loisir totalement indépendante mise en place et financée par Banksy. Elle n’est alignée sur aucun mouvement politique ou groupe de pression. Son but est de raconter l’histoire du mur des deux côtés et de donner aux visiteurs l’occasion de le découvrir. Nous réservons le meilleur accueil aux jeunes Israéliens. Aucun fanatisme ne sera toléré sur place. »
Détail particulier de cet hôtel arty : la valeur des œuvres dans les chambres entraînera la demande d’une caution de 1 000 dollars (hormis pour les « Budget »). Une boutique appelée Wall*Mart (jeu de mots avec la chaîne de magasins Walmart), qui ouvrira le 20 mars, proposera marqueurs et bombes aérosols pour les visiteurs désirant taguer le mur.
La soirée d’inauguration est prévue samedi 4 mars à 23 heures, en présence du pianiste palestinien Ramzi Shomali et d’Elton John. Elle sera réservée aux locaux et aux invités. Une « street party » est programmée le 13 mars avec un autre musicien britannique, Fatboy Slim.






Sunday, October 16, 2016

NEW YORK : DONALD JUDD FOUNDATION










SOHO HOME & STUDIO 
 
Après une importante et minutieuse restauration qui dura onze ans, le Soho home & Studio que DONALD JUDD (1928-1994) acquis à NY en 1968,  et dont il demanda qu'après sa mort le site restât en l'état,  s'est en effet ouvert au public en 2013  tel que l'artiste le laissât en 1994. La Fondation Donald Judd, présidée par ses enfants et héritiers testamentaires, Flavin et Rainer Judd, a respecté à la lettre l'intégrité, l'aménagement et la "philosophie" des lieux. (photo : 1974 l'independant study group D. Judd assis sur le bureau, près de lui Ron Clark à sa gauche etjulian Schnabel à droite.)
 Dans les années 60, le travail de D. Judd à NY, fit de lui l'un des premiers représentants du courant dit "Art minimaliste", étiquette qu'il rejeta catégoriquement ;  car même s'il partageait beaucoup de principes identifiés comme étant "minimalistes" (l'usage de matériaux industriels, la  neutralité de la couleurs, le dépouillement des formes et de l'espace pour créer des œuvres abstraites), Judd qualifiait son travail de "simple expression of complex thought"
 

Construit en 1870 par Nicholas Whyte à l'angle de Spring st. et Mercer st., la typique façade "cast-iron" vitrée du sol au plafond, quadrillée de colonnes est remarquable parmi les autres bâtiments qui l'entourent. Remarquable aussi l'intérieur, Judd ayant démoli toutes les cloisons pour créer à chaque étage un open space inondée par la lumière naturelle, chère aux artistes. Car Judd occupa tout l'immeuble : pour  vivre avec sa famille, travailler, pour se réunir et échanger avec ses contemporains artistes et non des moindres… et aussi comme lieu d'installations de son travail (sa défiance envers les musées étant bien connue) mais aussi de ses contemporains dont on peut voir in situ son importante collection : Dan Flavin, Lucas Samaras, John Chamberlain, Larry Bell, Carl André, Marcel Duchamp (dont il ne faut pas emprunter l'escalier !!)... 
L'artiste passa beaucoup de temps à organiser l'immeuble où les œuvres d'artistes, personnelles ou choisies, mais aussi les objets usuels, le mobilier, devaient à la fois respecter la nature "cast-iron" de l'immeuble et créer des correspondances avec les approches innovantes architecturales et design de Donald Judd... pour qu'au final l'ensemble devienne une "expérience artistique" cohérente et pertinente une installation permanente.

 


 

 
 


 

 
 



 
 
 Au rez-de chaussée une salle "d'installations" temporaires (exposition n'étant pas un mot du vocabulaire de D. Judd), au premier la cuisine et la salle à manger (tableau de Frank Stella) au second un studio où se trouve une impressionnante table à dessin, au troisième une salle de réunion et au dernier l'espace-chambre avec vue sur des encadrements de Dan Flavin et une œuvre du sculpteur Claes Oldenburg.


JUDD FOUNDATION 



(photo  Daniel Shea,pour Le Monde Magazine)
À partir des années 70, D. Judd se rend chaque année en famille dans l'état de Baja California au Mexique  et tombe sous le charme du désert… En 1972, n'appréciant pas ce que devenait le quartier de SoHo, "an artist's Disneyland" avant d'être un temple du shopping, il achète à MARFA, au Texas, plusieurs bâtiments et un ranch qu'il fait restaurer pour s'y installer, travailler et y vivre définitivement reproduisant le concept du "101 Spring street" de NYC. Ces propriétés font toutes aujourd'hui partie de la JUDD FONDATION

En 2006, la Fondation Judd —sous l'autorité de ses enfants qui n'ont alors qu'une vingtaine d'années, son fils Flavin (comme l'artiste Dan Flavin), architecte, et Rainer, sa fille, (comme la danseuse et chorégraphe Yvonne Rainer), photographe— décida de mettre aux enchères trente-cinq sculptures de Judd chez Christie's à New York afin de constituer une dotation pour financer les "installations permanentes"  des œuvres, à New York et au Texas. Les vingt-cinq millions de dollars récoltés ont ainsi permis d'honorer les vœux de l'artiste laissés par testament à ses enfants.

À NYC, les visites se font sur réservation par groupe de huit et toujours accompagnées par un guide-artiste. 
Règlement des visites http://juddfoundation.org/visit/new-york/
Réservation : https://web.ovationtix.com/trs/cal/34321
Actualités de la Fondation : http://juddfoundation.org/foundation/programs/


En 2017, le MoMA de New York consacrera une rétrospective à Donald Judd


Tuesday, October 11, 2016

NEW YORK LANDMARK : ELDRIDGE STREET SYNAGOGUE










Dans l’actuel quartier asiatique du Lower East Side de New York, la Eldridge Street Synagogue, s'impose discrètement au milieu d'un quartier chinois hyperactif et du trafic des voitures prêtes à traverser le pont de Brooklyn tout proche. Insolite, ce qui apparaît comme une grande église aux allures mauresques, est de fait une synagogue, rémanence d’un passé où s'installèrent à leur arrivée les communautés immigrées successives et ce depuis un siècle :  juives et italiennes, chinoises et hispano-américaines aujourd’hui.




 
La Eldridge Street Synagogue, dont le nom officiel est Kahal Adath Jeshurun with Anshe Lubz, est la première synagogue construite dans le Lower East Side par des juifs orthodoxes ashkénazes, originaires d’Europe de l’Est. Bâtie entre 1886 et 1887. Sa façade, en briques et terre cuite, présente des éléments de types mauresques, gothiques et romans, caractéristiques de ses architectes, les frères Herter, qui édifièrent d’autres immeubles (tenements) dans le Lower East Side.

Abandonnée, on doit sa redécouverte à un historien d’art, Gerard Wolfe, qui en 1975 force la porte du bâtiment avec un pied-de-biche et découvre l'espace délabré où les livres de prières cohabitent avec les pigeons... Il fonde l’Association des amis de la Eldridge Street pour réaliser les premiers travaux, obtient son classement en tant que monument historique en 1991 et sa nomination en 1996, aux  National Landmarks.

Si en tant que synagogue, la Eldridge Street n’a pas conservé la fréquentation d'origine, en tant que symbole, elle attire chaque année plus de 20 000 visiteurs.
L'Association Eldridge Street Project, fondée en 1982, a "pour vocation de restaurer la synagogue, afin qu’elle devienne un lieu d’héritage culturel pour le siècle prochain. Les programmes d’information, les visites guidées ainsi que les expositions organisées au sein même de l’édifice perpétuent la mémoire de la vie des immigrants Juifs du Lower East Side.

Quelle est donc la signification de l’engouement mémoriel en faveur des lieux de mémoire juive aux États-Unis ? "Comme nous l’ont enseigné Pierre Nora et ses Lieux de mémoire, le souci de conservation surgit en corrélation avec la peur de la disparition. La menace de l’effacement engendre, spontanément, un effort de préservation ou un travail de reconstruction."  


En 2010, l'artiste contemporaine américaine, KIkI SMITH inaugure le nouveau vitrail de verre et de cristal : l'étoile de David dans un champ d'étoiles jaunes, premier témoignage du XXIe siècle



 
 
















"... À New York, la densité urbaine et la hauteur des gratte-ciel convainquent facilement qu’un lieu, subsistant au milieu d’une telle bataille pour la conquête de l’espace, a nécessairement une utilité. Les lieux de la mémoire juive s’imposent au détour des rues : ainsi de la Eldridge Street Synagogue, ainsi des trois minuscules cimetières hispano-portugais de la congrégation séfarade Shearith Israël, dont le plus ancien, situé à Chatam Square, date de la fin du xviie siècle. Ils demeurent à l’état de mémorial et témoignent qu’une vie juive (et a fortiori une mort) s’est déroulée dans le Lower East Side. Ils rappellent la présence, dans l’histoire du quartier, d’une communauté dont ils sont l’une des dernières traces. Ces lieux de mémoire incarnent parfaitement le moment d’un « basculement dans l’histoire » au sens où ils permettent de réaliser, sans rupture radicale, la transition entre l’histoire vécue de la première génération pour qui ils représentaient des lieux de prière et de recueillement, et l’histoire racontée des petits-enfants et de leurs successeurs, pour qui ils ne sont plus que des occasions de remémoration, voire de commémoration."  (Galith Touati,« La Eldridge Street Synagogue », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem)


Gerard R. Wolfe

The Synagogues of NY Lower East Side, G. Wolfe