Tuesday, October 11, 2016

NEW YORK LANDMARK : ELDRIDGE STREET SYNAGOGUE










Dans l’actuel quartier asiatique du Lower East Side de New York, la Eldridge Street Synagogue, s'impose discrètement au milieu d'un quartier chinois hyperactif et du trafic des voitures prêtes à traverser le pont de Brooklyn tout proche. Insolite, ce qui apparaît comme une grande église aux allures mauresques, est de fait une synagogue, rémanence d’un passé où s'installèrent à leur arrivée les communautés immigrées successives et ce depuis un siècle :  juives et italiennes, chinoises et hispano-américaines aujourd’hui.




 
La Eldridge Street Synagogue, dont le nom officiel est Kahal Adath Jeshurun with Anshe Lubz, est la première synagogue construite dans le Lower East Side par des juifs orthodoxes ashkénazes, originaires d’Europe de l’Est. Bâtie entre 1886 et 1887. Sa façade, en briques et terre cuite, présente des éléments de types mauresques, gothiques et romans, caractéristiques de ses architectes, les frères Herter, qui édifièrent d’autres immeubles (tenements) dans le Lower East Side.

Abandonnée, on doit sa redécouverte à un historien d’art, Gerard Wolfe, qui en 1975 force la porte du bâtiment avec un pied-de-biche et découvre l'espace délabré où les livres de prières cohabitent avec les pigeons... Il fonde l’Association des amis de la Eldridge Street pour réaliser les premiers travaux, obtient son classement en tant que monument historique en 1991 et sa nomination en 1996, aux  National Landmarks.

Si en tant que synagogue, la Eldridge Street n’a pas conservé la fréquentation d'origine, en tant que symbole, elle attire chaque année plus de 20 000 visiteurs.
L'Association Eldridge Street Project, fondée en 1982, a "pour vocation de restaurer la synagogue, afin qu’elle devienne un lieu d’héritage culturel pour le siècle prochain. Les programmes d’information, les visites guidées ainsi que les expositions organisées au sein même de l’édifice perpétuent la mémoire de la vie des immigrants Juifs du Lower East Side.

Quelle est donc la signification de l’engouement mémoriel en faveur des lieux de mémoire juive aux États-Unis ? "Comme nous l’ont enseigné Pierre Nora et ses Lieux de mémoire, le souci de conservation surgit en corrélation avec la peur de la disparition. La menace de l’effacement engendre, spontanément, un effort de préservation ou un travail de reconstruction."  


En 2010, l'artiste contemporaine américaine, KIkI SMITH inaugure le nouveau vitrail de verre et de cristal : l'étoile de David dans un champ d'étoiles jaunes, premier témoignage du XXIe siècle



 
 
















"... À New York, la densité urbaine et la hauteur des gratte-ciel convainquent facilement qu’un lieu, subsistant au milieu d’une telle bataille pour la conquête de l’espace, a nécessairement une utilité. Les lieux de la mémoire juive s’imposent au détour des rues : ainsi de la Eldridge Street Synagogue, ainsi des trois minuscules cimetières hispano-portugais de la congrégation séfarade Shearith Israël, dont le plus ancien, situé à Chatam Square, date de la fin du xviie siècle. Ils demeurent à l’état de mémorial et témoignent qu’une vie juive (et a fortiori une mort) s’est déroulée dans le Lower East Side. Ils rappellent la présence, dans l’histoire du quartier, d’une communauté dont ils sont l’une des dernières traces. Ces lieux de mémoire incarnent parfaitement le moment d’un « basculement dans l’histoire » au sens où ils permettent de réaliser, sans rupture radicale, la transition entre l’histoire vécue de la première génération pour qui ils représentaient des lieux de prière et de recueillement, et l’histoire racontée des petits-enfants et de leurs successeurs, pour qui ils ne sont plus que des occasions de remémoration, voire de commémoration."  (Galith Touati,« La Eldridge Street Synagogue », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem)


Gerard R. Wolfe

The Synagogues of NY Lower East Side, G. Wolfe